top of page

La Sobriété

Dernière mise à jour : 5 mai 2020

La sobriété, l’efficacité, la résilience, sont des mots qui reviennent souvent dans le débat public et qui méritent donc quelques explications. Nous allons explorer ici le concept de sobriété, son sens et ses conséquences.

Quel sens ? Sobriété, du latin sobrietas, est synonyme de tempérance, de frugalité et est antonyme de goinfrerie, de démesure et d’outrance. Vivre sobrement peut donc signifier consommer moins, sans excès, ou uniquement ce dont nous avons besoin, ce qui nous est essentiel. On comprend donc rapidement qu’une société “sobre” est quelque peu éloignée de la société de surconsommation dans laquelle nous vivons aujourd’hui. La sobriété est pourtant le premier levier d’action pour tendre vers une société qui fonctionne dans les limites planétaires. L’importance de la sobriété Pourquoi est-ce le levier d’action essentiel ? Habituellement nous sommes plutôt habitués à entendre parler du renouvelable et de l’efficacité comme moyen d’action principaux pour lutter contre le dérèglement climatique. Or, ces deux principes, bien qu'importants, ne questionnent pas le concept-même de la consommation :

  • Est-ce utile d’améliorer l’efficacité énergétique d’un objet s’il est encore plus consommé qu’auparavant ? (effet rebond)

  • Quid de l’énergie renouvelable ? En l’état actuel des connaissances, la production d’énergie renouvelable ne permet pas de couvrir l’ensemble de nos besoins énergétiques. De plus, actuellement, les énergies renouvelables ne viennent pas se substituer aux consommations d’énergies fossiles, mais s’ajouter aux consommations actuelles, car nous continuons à consommer toujours plus (c.f graphique ci-dessous).


Le constat est donc clair : l’efficacité et le renouvelable, en tant que remèdes phares au dérèglement climatique tel qu'on nous l'a présenté pendant des décennies, ne permettent pas à elles seules de réduire suffisamment nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce sont les statistiques mondiales sur la consommation énergétique (et donc les émissions de GES) qui nous rappellent cette triste réalité : les émissions continuent d’augmenter chaque année (+2,7% et +0,6% en 2018 et 2019 - Source) alors que le GIEC recommande une diminution de 7,6 % des émissions par année si l’on veut pouvoir rester en dessous de la barre des 1,5°C (source). En définitive, l’efficacité et le renouvelable sont des puissants leviers d’actions pour lutter contre le dérèglement climatique, uniquement s’ils sont couplés à la sobriété en premier lieu. Se projeter dans la direction d’une société compatible avec notre environnement nécessite donc un changement de fonctionnement. C’est également une remise en question fondamentale : avons-nous conscience de ce que représentent nos besoins essentiels ?


Un parallèle avec la crise actuelle du Coronavirus Pour se donner quelques pistes de réflexions, examinons la situation actuelle. Celle-ci représente sous de nombreux aspects une forme de sobriété - certes imposée -, mais néanmoins utile pour nous questionner. Durant ces quelques semaines, quels ont été nos réels besoins du quotidien ? Cette expérience de “pause” dans notre mode de vie effréné a t-elle mis en lumière certains changements positifs que vous souhaiteriez prolonger ? Au final, pourquoi sobriété ne rimerait-elle pas avec vivre mieux, se concentrer sur l’essentiel ?

Quelles conséquences d’une société plus sobre ? Regardons maintenant les conséquences de la transition vers une société plus sobre. En effet, si la consommation diminue, de nombreux secteurs verront leurs activités décroître, les poussant à réduire les effectifs, les salaires ou les temps de travail - ou bien les trois ! Donc si le revenu des entreprises, et donc des citoyens, diminue, les recettes fiscales des états vont elles aussi diminuer, réduisant ainsi les moyens des services publics : santé, éducation, mobilité, etc. Seulement, la baisse structurelle des moyens financiers de la société devrait être la plus homogène possible, déployée sur l’ensemble de la société et non pas sur quelques secteurs spécifiques. Les questions d’égalité et de solidarité sont donc des points absolument cruciaux pour réussir cette transition. Car cette dernière sera inéluctable dans les prochaines décennies, amorcée de force par des évènements extérieurs à notre volonté, ou voulue et construite par les citoyens. Il est ainsi primordial de trouver des solutions pour rééquilibrer cette baisse structurelle sur l’ensemble de la société. Une piste étant la requalification des personnes travaillant dans un secteur en perte de vitesse vers des secteurs à l’importance croissante, telle que l’agriculture, les services dématérialisés, la production d’énergies renouvelables et bien d’autres encore. Par ailleurs, les prix des biens et services devraient également correspondre à leur coûts réels, dans le but de revaloriser certains secteurs.

Comment changer de paradigme alors ? Notre économie est aujourd’hui basée sur la croissance. Lorsque celle-ci s’arrête ou ralentit, de nombreux secteurs sont en difficultés : que ce soit le secteur pétrolier, le tourisme, la culture, la restauration ou encore l’ensemble des magasins vendant des produits aujourd’hui labellisés comme “non-essentiels”. En Suisse, comme ailleurs, la pandémie a eu pour effet une chute du PIB (6.7 % en prévision sur l’année 2020, SECO) et une chute de la bourse (17 % au 30 avril par rapport au 19 février, Boursorama). Ainsi, ce ralentissement nous questionne aussi sur le besoin éternel de croissance, qui ne peut être infinie dans un monde aux ressources finies. Pourquoi donc ne pas se développer en utilisant d’autres indicateurs que le PIB ? L'enjeu n’est-il pas de savoir définir nos objectifs en tant que société ?


Alors oui, soyons clairs, cela ne va pas être simple ! Pour beaucoup, changer la société et le système économique semble presque impossible. Or parmi nous, combien auraient imaginé les mesures prises aujourd’hui dans le cadre de la crise du covid-19 ? Cette crise est donc bel et bien la démonstration que lorsqu'un intérêt prépondérant se présente (ici la santé), il suffit de se donner les moyens pour parvenir à un but commun. Il est dès lors intéressant de se rappeler que le système économique est une convention organisée par notre société, qui peut être modifiée à tout instant.

Par opposition, il est important de noter qu’il est impossible de modifier le fonctionnement du système climatique, de la santé humaine et de la biodiversité. Car ces éléments ne sont pas des conventions et ne sont pas modifiables à souhait. Voyons dès lors le progrès non plus comme la croissance de notre économie, mais une société qui remet au centre de ses préoccupations tout ce qui est fondamental à l’existence des êtres vivants.

600 vues
bottom of page